Esse lance un appel de textes sous le thème « Abstractions » pour son numéro 114
Esse invite les auteur·es à aborder les questions qui se rattachent à la problématique entourant l'art abstrait à travers leur analyse de pratiques artistiques actuelles ou récentes.
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Né du désir de représenter le monde, voire d’en tenter l’interprétation, l’art n’a cessé de se buter à l’impossible réalisation de ce projet figuratif utopique. De cette tension irréconciliable entre la réalité et toute tentative pour la restituer par l’imitation nait une multitude de stratégies, de formes et de moyens qui ont fait de l’art un objet hétéroclite en constante mutation. En effet, toute pratique artistique semble se justifier sur la base de sa capacité propre à abstraire une vision spécifique du monde. Dans cette optique, l’abstraction en tant que mouvement artistique défend cette volonté d’un retour à l’essence de l’art en tant que tel.
L’art abstrait à proprement dit fait officiellement son apparition en Occident au tournant du 20e siècle, sous la gouverne de Wassily Kandinsky, artiste russe dont la pratique picturale subversive lui aura valu l’exil. Dans un véritable pied de nez aux tentatives millénaires tournées vers la recherche d’une restitution du monde visible par une imitation mimétique, Kandinsky prône une pratique intériorisée de la peinture, guidée à la fois par la matière enfin libérée des contraintes de la représentation, et par la subjectivité de l’artiste.
Dans le grand récit de l’Histoire de l’art occidental, donc, l’abstraction s’est définie en opposition au réalisme pictural et, incidemment, à la figuration, usant de formes géométriques, de couleurs en aplats et de lignes déconstruites pour remettre en cause le monopole de la représentation. C’est la création même qui s’émancipe des injonctions esthétiques et institutionnelles, en consolidant les bases critiques jetées par les avant-gardes. Autonomie de la forme, couleur libérée de l’emprise séculaire du dessin, déconstruction de la perspective, déhiérarchisation des plans, penchant marqué pour l’autocritique et l’autoréférentialité, agentivité de la matière et du support : nulle surprise de voir l’abstraction ressurgir avec autant de vigueur (et de déclinaisons) aujourd’hui. L’engouement actuel des artistes eu égard aux théories néomatérialistes et à l’expressivité de la matière est en ce sens fort éloquent.
En effet, les dernières années témoignent d’un regain d’intérêt certain pour l’abstraction, réinjectée d’une charge militante et engagée qu’on ne lui avait certainement pas connue à ses débuts, cantonnée qu’elle était dans une métacritique de l’art occidental faisant l’apologie du figuratif. Si la pertinence de cette introspection critique demeure toujours aussi fondamentale pour la théorisation de l’art, la récupération du concept d’art abstrait englobe aujourd’hui la production d’une communauté artistique des plus diversifiée. Pourquoi ce regain d’intérêt ? Qu’est-ce qui fait que l’abstraction interpelle encore les artistes ? Quelle « liberté » génère-t-elle face à la contrainte narrative, qui serait le propre de la figuration ? Est-ce que les pratiques formalistes trouvent leur place dans l’art actuel ? Serait-ce plutôt au cœur de cette dissolution du figuratif que résiderait toute la charge politique de l’abstraction ? Doit-on, suivant cette dissolution, toujours aborder l’abstraction de manière duelle, avec son pendant, la figuration ? L’abstraction doit-elle, comme le défendaient l’historien d’art Clément Greenberg et ses épigones, encore et uniquement se définir par l’irréductibilité de l’art à ses moyens ? Ou alors, l’art abstrait doit-il être politique ? Ne l’a-t-il pas toujours été ? Esse invite les auteur·es à aborder ces questions ou d’autres qui se rattachent à cette problématique à travers leur analyse de pratiques artistiques actuelles ou récentes.
- Les textes proposés (de 1 500 à 2 000 mots maximum) peuvent être envoyés en format lettre US (DOCX ou RTF) à redaction@esse.ca avant le 10 janvier 2025. Veuillez inclure, à même le texte, une courte notice biographique (35 mots), un résumé du texte, ainsi que votre adresse courriel et postale.
- Les personnes qui aimeraient d’abord soumettre un résumé d’intention (250-500 mots) sont invitées à le faire avant le 1 octobre 2024.
Les propositions non afférentes aux dossiers (critiques, essais et analyses sur différents sujets en art actuel) sont aussi les bienvenues (consultez la politique éditoriale).
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